Écrit par Paul | Publié le dans Guide.
La pause facilitée est terminée. On reprend avec un sujet costaud comme il faut : la gestion des ressources humaines, qui répond à une problématique particulière : où trouver des acteurs, son équipe et comment diriger l’ensemble ?
Commençons par, ce que personnellement je déconseille, c’est-à-dire : les amis (non-initiés au cinéma).
Quoi de mieux, pour se faire la main, que de demander à ses connaissances, ses amis de longue date de nous fournir un peu d’aide pour réaliser son premier film.
Après tout, tant que ce n’est pas trop long, ni trop compliqué, pourquoi pas ? Vous comprendrez assez vite que vos amis finiront rapidement par vous répondre « Pourquoi » tout court.
Pourquoi eux ? Pourquoi ils vous suivraient dans votre projet fou ? Vous n’avez rien d’autre à faire de votre temps libre ? On pourrait aller au restaurant plutôt que de s’emmerder à tourner ta vidéo YouTube.
Vos amis ont d’autres choses à faire de leur week-end que de venir travailler gratuitement pour vous. C’est un conseil amical, si vous êtes une tête brûlée, libre à vous de ne pas le suivre. Vous ne pourrez pas dire que vous n’avez pas été prévenu(e)s.
Évitez aussi ?
Oui, c’est dur. Mais les ami(e)s initié(e)s qui continuent leurs études dans d’autres domaines, qui travaillent dans d’autres secteurs d’activité, qui ont d’autres aspirations le week-end, ne seront pas d’une grande aide. En tout cas, pas pour des projets longs et ambitieux.
Votre erreur serait de croire que le cinéma c’est une petite passion au même titre que la poterie ou l’atelier de composition florale.
Vous venez de passer des semaines sur votre scénario, des semaines sur le dépouillement et sur la préparation de votre tournage. Vous savez, d’ores et déjà, que le cinéma c’est long et compliqué.
Ne sabordez pas tout votre travail en embauchant les mauvais candidats. Le cinéma c’est physique. Pas seulement pour le réalisateur(trice) mais pour l’ensemble de l’équipe. On ne peut pas apprendre correctement son texte et ses dialogues avec trente heures d’études par semaine, vingt heures de travail à temps partiel, etc.
De cette même façon, on ne peut pas être frais et dispo pour tourner dès le samedi huit heures. Ou, peut-être une fois, pour vous faire plaisir à vous, vous, le réalisateur(trice). Mais vous n’avez pas besoin qu’on vous fasse plaisir, vous avez besoin de personnes qui prennent du plaisir à jouer et interpréter le personnage que vous avez créé. Des personnes motivées et désireuses de bosser à vos côtés sur votre projet.
En revanche, vos ami(e)s initié(e)s qui poursuivent leurs études dans ce secteur, eux(elles), oui. Ce sera difficile de s’organiser pour trouver des disponibilités qui coïncident, mais ils(elles) seront plus à même de venir vous donner un coup de main sur vos tournages que ceux(celles) qui ont abandonné l’idée de faire du cinéma. Mais ne vous leurrez pas ! Un jour les obligations sociales, feront qu’ils(elles) ne seront plus disponibles pour vous.
Eh bien, une fois encore, il va falloir commencer par sortir de chez soi. On peut se rendre au sein des associations locales, dites troupes de théâtre afin de laisser des tracts, de parler de son projet et de le soumettre auprès d’acteurs, un tant soit peu expérimenté.
On peut aussi passer par des sites internet un peu plus connu, comme cineaste.org ou encore de feu castinprogress qui a désormais changé de nom et que je n’ai pas eu le plaisir d’utiliser, depuis. En dernier recours, on peut toujours se rapprocher de groupes Facebook, ou bien, encore, tenter d’infiltrer, de se rapprocher de soirées “networking” (réseautage en bon François) afin de débaucher son équipe.
Trouver son équipe, est la tâche la moins aisée. La plus compliquée. Si vous faites vos films dans un cadre ou plutôt, dans un but semi-professionnel uniquement alors, il s’agit là de l’étape la plus compliquée de votre travail.
Tout simplement parce que votre équipe ne vit pas d’amour et d’eau fraîche, comme vous et moi, vos acteur(trice)s, technicien(ne)s, ont besoin de remplir leur frigo, ont besoin de pouvoir se payer des vacances, une sortie de temps à autre.
Trouver des individus qui accepteront de tout arrêter et de vous rejoindre dans votre projet, sans être rémunéré ? C’est autant compliqué que de trouver un producteur pour financer votre tout premier film que vous souhaitez, en plus, réaliser. Et, j’emploie le terme compliqué pour ne pas dire impossible.
Trouver mon équipe m’a pris sept ans. D’abord essentiellement constituée de connaissances et d’amis, les rangs se sont dégrossis au fil des années. Les plateformes cineaste.org et castingprogress m’ont apporté du bon et du moins bon. Espoir et désillusion. Enterrant certains de mes projets. Une fois, le hasard m’a apporté sur un plateau un bon acteur. Puis, me l’a repris, car figurez-vous : tourner c’est compliqué.
Aujourd’hui, j’ai une bonne équipe. Une très bonne équipe, même. Mais cela m’a pris sept années.
Malheureusement, si aucune alternative proposée n’a fonctionné, dans ce cas uniquement, vous composez avec ce que vous avez : Si vos amis sont fiables, reposez-vous sur eux. Si ce n’est pas le cas, et que vous avez épuisé tous vos recours…
Mettez votre projet en stand-by. Cherchez sur ces mêmes plateformes internet un tournage que vous pourriez intégrer, faites-vous bien voir, faites-vous des amis, prenez des noms, des contacts, et ensuite : reprenez votre projet.
Ça ne sert à rien de se précipiter et je vous explique pourquoi dans les parties qui suivent.
Imaginons, comme moi, vous avez posté votre annonce sur internet, vous recevez deux cents candidatures, c’est une excellente nouvelle. Vous allez pouvoir tourner votre projet, enfin, si vous ne vous trompez pas dans vos candidats…
Vous avez réussi. Vous avez trouvé une équipe, ou vous avez complété celle que vous aviez déjà. De la même façon, vous avez aussi trouvé vos acteurs.
Prenez la peine de répondre systématiquement. Si le(la) candidat(e) ne répond pas, balancez la candidature. Cet acteur(trice) est sûrement trop sollicité(e), ou bien, il(elle) a envoyé sa candidature par automatisme. Il est peu probable qu’il(elle) vienne sur votre tournage.
S’il(elle) vous répond, passez en revue son CV. Regardez sa bande démo. S’il(elle) n’a pas trop d’expériences, mettez-le(la) en haut de votre liste. Les acteurs(trices) sans trop d’expériences sont les plus disponibles et acceptent bien plus souvent les conditions de tournage moins professionnelles. En ce qui concerne les techniciens, privilégiez les étudiant(e)s, ou jeunes volontaires aux auto–entrepreneurs(se).
Votre boulot, ici, consiste à identifier au préalable, une candidature potentiellement problématique. Il faut être capable de cerner la personne avec qui vous allez travailler avant même de la rencontrer.
Eh bien, si votre équipe est composée d’ami(e)s, de connaissances, d’un cercle légèrement plus étendu de proches qui ne sont pas des professionnels, et de parfaits inconnus plus calés, les relations peuvent s’avérer tendues sur le plateau.
Sonder les gens, les jauger, c’est une qualité et une compétence qui s’apprend et se travaille. Si vous avez du mal à évaluer un profil, n’hésitez pas à rencontrer le(la) candidat(e) afin d’être fixé une bonne fois pour toutes.
Au moins, au début. Surtout avec des inconnus. Chacun y voit ses intérêts, surtout quand personne ne connaît personne. Vous évoluez en terrain miné.
Partez du principe que vos candidat(e)s vous montrent uniquement ce qu’ils ont envie que vous voyiez. Poussez le vice à son paroxysme, surtout quand il s’agit d’acteur(trice).
Après tout, vous les employez pour mentir.
C’est triste mais c’est comme ça. Je ne compte plus les acteurs qui me ciraient les pompes la veille avant de disparaître le lendemain. Soyez vigilant et méfiant.
Ça, c’est le type de profil à fuir comme la peste. Un(e) acteur(trice) trop confiant est forcément mauvais. Il est hermétique à la critique, à la remarque et à la direction d’acteur. Vous n’en obtiendrez rien. Il(elle) vous rappellera, à vous, et à votre équipe, à quel point il(elle) excelle, à quel point, il(elle) est bon(ne), se vantera de ses collaborations professionnelles ou de ses réussites personnelles.
Ça a l’air parfaitement anodin. Si vous êtes comme moi, ça vous passera au-dessus.
Mais c’est une ERREUR.
Votre équipe, elle, si elle est composée de novice le prendra personnellement et se sentira forcément rabaissée, pas à sa place, pas à la hauteur et vous fera faux bond. Une équipe, c’est un tout. Vous n’avez pas de budget. Vous avez peu de moyens. L’humain, les relations humaines, c’est tout ce que vous avez. Ce collectif, c’est tout ce que vous avez. Vous devez laisser de côté ce type d’individus, même si sa bande démo montre qu’il(elle) joue bien, même s’il(elle) est charismatique, même s’il(elle) commence à se faire un nom.
Certaines erreurs se paient cash. Celle-ci est l’une d’entre elles.
Certains technicien(ne)s se comportent de la même façon, vous savez quoi faire.
Autre point à ne pas négliger. Vos dates de tournage et les durées estimées de tournage. Rappelez-les. Dès le premier échange. Beaucoup lisent les annonces en diagonales.
Sur un malentendu, vous vous retrouvez à valider une date à laquelle votre équipe n’est pas disponible. C’est le drame. Vous rappelez l’acteur(trice)/technicien(ne) en catastrophe, il(elle) n’est pas disponible à la date que vous aviez prévu, vous devez trouver un(e) nouvel(le) acteur(trice)/technicien(ne).
C’est une autre erreur qui se paie cher. Très cher.
Cette erreur est pas mal non plus.
Elle se rapproche de notre point sur les bisounours. N’allez pas croire que, parce que vos précédents échanges se sont bien passés, votre acteur(trice)/technicien(ne) sera présent(e) le jour de votre tournage.
Parfois, il(elle) prévienne d’un empêchement ou d’un autre tournage rémunéré qui a pris la priorité sur votre projet. D’autres fois, pas du tout. Et vous ne saurez rien du pourquoi du comment.
Une astuce pour se sortir de ce type de situation ? Faites une rencontre en amont de votre tournage, prévoyez un petit buffet, ça vous permettra de faire connaissance. Ce n’est pas une technique cent pour cent gagnante, mais si vos acteurs(trices)/technicien(ne) ne se pointent pas, vous serez fixé(e).
Vous voyez, maintenant, pour les moins chanceux, pourquoi il n’y a aucune raison de se précipiter pour faire un film.
Dernier point. Sensible celui-ci. Compliqué. Épineux.
Cela requiert de bonnes compétences humaines acquises tout au long de votre vie. Il faut savoir s’exprimer et s’imposer sans avoir pour autant à hausser le ton. Il est important d’être clair. Une fois encore.
Nul besoin de hurler, ou de crier pour que les choses avancent dans le sens que vous souhaitez. Restez à l’écoute. Surtout si vous travaillez avec des personnes plus expérimentées que vous. Et si ce n’est pas le cas, restez d’autant plus à l’écoute.
Que vous le vouliez ou non, vous êtes le(a) réalisateur(trice). Le titre pompeux accolé à votre nom impressionne, que vous travaillez avec vos ami(e)s ou non. Étonnamment, les gens auront du mal à s’imposer à vos côtés alors, restez accessible et simple.
Si un acteur ne fait pas ce que vous souhaitez, c’est que vous vous êtes mal exprimé(e), que vous n’avez pas donné suffisamment d’indications. Il est peu probable qu’un(e) acteur(trice) qui se déplace, pour vous, décide de son propre chef de faire un truc que vous ne voulez pas.
N’hésitez pas à le(la) reprendre, mais écouter son avis est tout aussi important. Ne soyez pas avare en compliments à la seule condition d’être absolument honnête et de ne pas passer votre journée à lui cirer les pompes.
Cette partie de direction d’équipe et notamment d’acteurs se résume assez simplement en : une main de fer dans un gant de velours. La tâche la moins aisée de la gestion des ressources humaines.
C’est le seul moyen de diriger son équipe fermement et autrement que dans le mur. Si vous avez tout bien préparé en amont, que votre planning est clair, que votre découpage technique est clair, que les accessoires, costumes et décors sont préparés, alors l’ensemble de votre équipe vous suivra, sans ciller, en toute confiance.
Vient enfin la partie qu’aucun réalisateur ne veut avoir à gérer.
Admettons pour une raison ou pour une autre que le ton monte sur le plateau. Coupez court aux échanges, exigez le silence et faites une pause.
Si un acteur(trice), technicien(ne) passe son temps à dévaluer le travail d’un(e) autre technicien(ne), acteur(trice), reprenez–le(la) immédiatement. S’il(elle) n’en a que faire de vos remarques, virez–le.
Si, après six heures de tournage, vous n’avancez plus sur votre tournage, mettez-y un terme. À partir de ce point-là, vous ne ferez rien d’autre que d’ajouter de la fatigue aux organismes.
Ne prenez jamais (ou presque) parti… et gardez à l’esprit que si vous travaillez avec des ami(e)s, des proches et de parfait(e)s inconnu(e)s, chacune des parties croira que vous êtes, de toutes les façons, partiales.
Vos ami(e)s croiront que vous tenez avec ces parfait(e)s inconnu(e)s parce que vous avez besoin d’eux(elles). Ces inconnu(e)s croiront que vous tenez avec vos ami(e)s parce que vous vous connaissez depuis longtemps.
Les premiers tournages sont pénibles. Tant que la confiance n’est pas établie. Tant que les liens ne sont pas créés. Après, parfois, il est plus facile d’avoir de l‘affinité avec certains individus… mais ce n’est pas toujours le cas.
Cet article sur le comment trouver son équipe, comment trouver des acteurs, comment les diriger touche à sa fin…
Alors vous êtes un(e) candidat(e) prometteur(se).
Ce secteur est semé d’embûches. Réussir est compliqué et relève davantage de la chance que de l’acharnement, des longues heures et journées de travail, et des sacrifices que vous ferez sur vos week-ends, jours fériés et vacances.
Beaucoup d’articles et de vidéos vous font croire monts et merveilles, beaucoup vous font croire qu’on est tous gentils, bons, bienveillants et bien intentionnés. Ce n’est pas le cas.
Vous vous ferez avoir plus de fois que vous ne l’imaginez.
Vous échouerez plus de fois que vous ne l’espérez.
Et c’est une bonne chose. Il faut seulement se lever plus de fois que l’on a été à terre.
C’est en multipliant les tentatives que vous réussirez, éventuellement, un peu comme au Loto. Mais vous devez être prêt(e) à l’éventualité que tout se casse la gueule et que vous vous retrouviez seul(e) et sans rien.
Si vous n’êtes pas prêt(e) pour cette éventualité, alors attendez un peu avant de vous lancer dans votre projet de film.
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Autodidacte et touche-à-tout, j'ai dû cesser les études après l’obtention de mon baccalauréat pour raison de santé et je me suis consacré entièrement à l’écriture de scénarios, de romans, au dessin, ainsi qu’à la réalisation, au montage, à l’étalonnage, au mixage et à la réalisation d’effets spéciaux pour l’art audiovisuel.
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